Le Blog de Zénon

Wednesday, August 01, 2012

Night Circus, by Erin Morgenstern


The Night Circus, by Erin Morgenstern


Une aventure qui prend racine dans l'Angleterre victorienne (et qui rayonne dans le monde entier), parmi des magiciens qui se cachent parmi la population normale, et qui, pour la plupart, se font passer pour des prestidigitateurs donnant des spectacles de magie.

Deux magiciens de toujours (l'un est centenaire et l'autre millénaire), vieux adversaires, se livrent à un match par élèves interposé. Ils se donnent quelques années pour élever leur pupille (la fille de l'un d'eux, traitée bien durement; et un orphelin racheté à un orphelinat et pris sous l'aile de l'autre, traité un peu mieux), avant de se livrer à un Nième affrontement par élève interposé qui décidera de qui est le meilleur.

Ils construisent pour cela un cirque itinérant (à l'ambiance d'autant plus magique qu'il y a beaucoup de vraie magie à l'oeuvre dans les coulisses). Le cirque est un personnage à part entière de ce roman, un cirque créatif et innovant (et qui serait impossiblement novateur dans certains domaines s'il n'y avait de la vraie magie pour le faire fonctionner). Tout cela se passe  dans une ambiance victorienne-gothique-romantique assez pittoresque assez réussie, donc le héros est ce cirque fantasmé, plus grand que nature, comme il serait dans les rêves, et qui s'appelle d'ailleurs assez judicieusement "Le Cirque des Rêves"...

Les magiciens voudraient donc s'affronter par élève interposés, sans se préoccuper beaucoup des "dégâts collatéraux" (qu'il s'agisse des artistes, des administrateurs du cirque ou du public), mais leurs élèves ont leur propre personnalité, et la confrontation des magiciens donnera un résultat inattendu. 

Pour une histoire de magiciens se déroulant à l'époque victorienne, la comparaison entre ce roman et "Jonhatan Strange & Mr Norrell"  est inévitable. Ici, le ton est voisin, le rythme de l'histoire est un peu plus dense (mais pas tant que ça non plus), il y a un peu plus d'unité d'action et d'unité de lieu, mais le charme du roman de Susanna Clarke manque un peu. À la fin de ce roman, on s'aperçoit que l'argument de base de l'histoire est bien maigre et pas très crédible, en définitive, une fois que les couches de mystères qui l'entourent ont été ôtées. L'idée du match entre magicien, ses raisons, ses fondements, son mode de fonctionnement et son déroulement sont finalement assez faîblichons. Comme l'auteure a une bonne technique d'écriture et une bonne ambiance, ça n'est cependant pas si important finalement, et c'est quand même une lecture agréable.





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Beastly Bride: Tales of the Animal People


The Beastly Bride: Tales of the Animal People, sous la direction de Ellen Datlow et Terri Windling

Un recueil de nouvelles par certains des plus grands auteurs de fantasy ou de SF du moment. Le thème de cette anthologie est le change-forme, l'animal qui peut prendre apparence humaine, la bête qui se déguise en humain, si commune à toutes les légendes et toutes les cultures du monde... Plus précisément, ce recueil se concentre sur les rapports de ces créatures avec les humains, voire de leur vie côte à côte et comment elle finit souvent mal... Les kitsune japonais-e-s, les Silkies Irlandais, les loups-garous, et autres créatures qui peuvent passer pour humain pendant un temps plus ou moins long et disposent de pouvoirs magiques parfois considérables.

La plupart de ces nouvelles sont des commandes à leurs auteurs respectifs. Elles respectent donc bien le thème, la figure imposée de cette anthologie et lui donne une bonne unité. Certains textes sont beaux (le texte de Carol Emshviller, celui de Tanith Lee, celui de Marly Youmans, notamment; et quelques autres, y compris le texte de Lucius Shepard qui est dans un registre inhabituel pour l'auteur et qui est très joliment écrit même si il finit sur pas grand chose). Ces textes sont du beau travail, mais il n'y a pas vraiment des grand texte malgré tout: soit ils n'ont pas de grande idée de départ, soit ils ont une bonne ambiance et un cadre remarquable mais pas vraiment de fin, soit ils manquent un peu d'ampleur. Bref, ce ne sont pas souvent les nouvelles les plus remarquables de ces auteurs remarquables...

Il reste que c'est un bon recueil de nouvelles où la plupart des nouvelles font bonne figure et respectent le thème imposé qu'elles renouvellent souvent. Une lecture toujours agréable, et parfois un peu plus que ça.




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Thursday, June 14, 2012

Moby Duck, by Donovan Hohn


Moby-Duck: The True Story of 28,800 Bath Toys Lost at Sea and of the Beachcombers, Oceanographers, Environmentalists, and Fools, Including the Author, Who Went in Search of Them, by Donovan Hohn


Un livre qui part de l'anecdote des dizaines de milliers de jouets de bain pour bébé (et notamment de canards en plastiques) tombés d'un porte container dans le nord pacifique et retrouvés plus tard sur un peu toutes les côtes de la planète. Il raconte comment ces canards, très identifiable, ont été suivis dans le monde entier, ce qu'en disent les "beachcombers" les environnementalistes et les océanographes(écoulement des courants dans le passage du "nord-ouest" de la mer de Bering et glaces associées, north pacific gyre qui piège les objets flottants, ...).

Le journaliste a suivi les "canards" dans le monde entier, pendant prés de 10 ans et 4 voyages tout autour du globe. Il a rencontré des personnages incongrus et passionants qui lui ont appris et montré de nombreuses choses  (eg Ebbesmeyer et son "beachcomber's alert", blog ,web et journal). Il parle d'autres chutes d'objets flottants, de la dérive des épaves et débris, de ce qu'en déduisent les océanographes, les "beachcombers", les amateurs, de ce que la "driftology" ("dérivologie"?) nous dit sur la pollution flottante et sa diffusion à travers les océans du monde. 

Et tel un canard jaune à la dérive sur les océans, l'auteur se trouve emporté de plus en plus loin par ses questions, qui lui ouvrent progressivement des choses de plus en plus intéressante et qui l'amènent à aller voir toujours plus loin... 

Par exemple il va aller voir le "great pacific garbage patch" où les débris flottants s'accumulent (à cause d'un gyre géant et d'un courant qui s'enfonce sous l'eau laissant les débris flottant à la surface). Il va découvrir la dégradation des plastiques (qui se cassent en bouts toujours plus petits sans jamais vraiment disparaître, au point que la soupe plastique/plancton a parfois 15 fois plus de plastique que de plancton dans des endroits où les trucs qui flottent s'accumulent...

Il décrit les "îles barrières" au large de l'Alaska (population: 0), au nord du gyre Pacifique subpolaire, dans le plus grand des océans et la zone la moins peuplées de la planète, parmi les rivages les plus déserts et les plus sauvages du monde. Il y a décrit les piles de plastique de 3m (10 pieds) de haut, amassées par les tempêtes d'hiver, et les forêts sub-polaires jonchées sur 30 mètres (100 pieds) de débris plastiques si dense, qu'on ne peut poser le pied sur le sol.

Il rencontre des chercheurs qui lui montrent comment les polluants organiques hydrophobes (DDT, PCB, dioxine...) sont adsorbés par le plastique flottant (adsorbé veut plus ou moins dire qu'il est attiré et recouvre, qu'il nappe, l'adsorbant). Au point que ces micro-pastilles de polymère en sont recouverts et donnent à cette "soupe de particules de plastique" une concentration en produits dangereux plusieurs millions de fois supérieure à celle du reste de l'océan... Concentration qui ne fera qu'augmenter au fur et à mesure qu'on remonte la chaîne alimentaire, bouffeuse de plastique malgré elle et qui parfois en meurt.

Il va jusqu'à la face cachée des choses qu'on montre généralement peu, jusqu'aux transports de marchandises intercontinentaux et à l'analyse du traffic des porte-containers qui alimentent toutes notre économie et tous nos supermarchés, il remonte jusqu'aux usines plus ou moins officielles qui injectent du plastique pour les jouets de nos enfants...

C'est un récit de voyage, une histoire racontée avec un ton vif et un style fluide, qui décrit la quête -pleine d'anecdotes- de ses multiples voyages à la recherche des tenants et des aboutissants du problème et pour en examiner les différentes facettes. 

Son talent d'écriture nous rend familier toute une série de lieux lointain qu'il nous fait voir et sentir, comme si on y était, non pas comme un touriste, mais comme quelqu'un qui visite sans arrêt l'arrière-scène: Alaska (Sitka, Homer, Détroit du Prince William, Gore Point, ...); Hawaï (South-Point, ...), les usines du Delta de la Pearl River en Chine, etc...

C'est un récit d'aventure parsemé de rencontres avec des personnages mémorables et d'anecdotes sympathiques; c'est aussi  une quête un peu naïve, motivée par une curiosité presque enfantine et par une envie de découverte insatiable, qui nous raconte le voyage d'un "naïf intelligent et observateur" tout autour du monde, et qui a tout le charme d'un bon récit de voyage, quoique l'émerveillement de la découverte fasse parfois place aux grincements de dents de la prise de conscience de la situation...

On y apprend bien des choses entre deux chapitres amusants (et ces choses qu'on apprend, sont, elles, rarement amusantes...) Sous une forme divertissante c'est donc bien un état des lieux assez ahurissant auquel nous avons à faire.

Il y a plusieurs passages assez édifiants sur le "greenwashing", ou comment les industriels font des campagnes de communication qui "les lavent plus vert" avec des actions médiatiques qui ont peu d'effet concret, et en soutenant (voire en créant) des pseudo-groupes environnementalistes qui prétendent essayer de réparer une partie des méfaits que les industriels ont d'abord répandus; tout en déplaçant le blâme pour le mettre sur les pouvoirs publics et/ou la gestion des déchets, laissant les industriels innocents de toute responsabilités et de toute contraite, sans rien qui les empêche de continuer à produire leurs mégatonnes de saletés, et de les envelopper par autant de couches de suremballage qu'ils peuvent en mettre.

Il montre comment le plastique jettable a été une stratégie consciente de l'industrie depuis les années 60, parce que le seul moyen pour eux de faire de gros bénéfices c'est de faire jetter pour faire racheter. "L'avenir de nos produits est dans les poubelles" disait un dirigeant à la fin des années 60: l'industrie plastique ne peut faire de la croissance que si les gens jettent les produits en plastique pour les racheter. C'est ainsi qu'il y a des produits et des emballages qui seront utilisés 1 minute et qui mettront au moins 500 ans à disparaître (pour les plus biodégradables d'entre eux).

Il nous entraîne également dans le monde labyrinthique et discret des usines et des industries du delta de la Rivière de Perle, entre Hong-Kong et Canton, un milieu dont on ne parle pas, qui est effacé et presque secret. C'est pourtant le coeur industriel de la Chine, et l'endroit d'où viennent presque tous les bien manufacturés du monde entier.  C'est notamment le coeur de l'industrie du plastique et de la transformation des granulés de "résine" en jouets occidentaux (façon ToysRus). La description de l'endroit est frappante et souvent surprenante, et donne une image étonnante (et quasiment pré-industrielle) de cet endroit d'où viennent tous les objets autour de nous et qui est pourtant si inconnu, presque comme si les objets étaient simplement "acquis" dans un supermarché plutôt que d'avoir été un jour fabriqués quelque part.

Il a également traversé en cargo (porte-container géant) le Pacifique, à la haute saison des grandes tempêtes d'hiver, suivant la route située très au nord, qu'empruntent la plupart des containers qui transportent les biens et marchandises depuis la Chine la Corée et l'Asie du Sud-Est vers les deux côtes des Etats Unis (et parfois bien au delà), et nous fait comprendre pourquoi et comment la sauvagerie des océans malmènera toujours même les plus gigantesques navires à la pointe de la technologie, et pourquoi des containers se sont perdus et se perdront tout le temps (quand ce n'est pas le navire tout entier qui est perdu, ou malmené jusqu'à être seulement un tas de ferraille vaguement flottant)... Et pourquoi les gens globalement s'en foutent et continuent d'envoyer des porte-containers à la mauvaise saison: au pire, c'est seulement  25 marins philippins qui se noient et de toutes façons, ils n'intéressent pas grand monde.

Bref, il suit la piste complète du plastique, depuis les petits granulés qui se transforment en objets divers en Chine, transportés en occident avant de finir dans nos poubelles et de se diriger vers l'océans, où ils mettront des années à se fragmenter en bouts de moins en moins gros, et des siècles avant d'être digérés par quoique ce soit parmi toutes les bestioles qui tentent de les manger (et qui en général en meurent)...

Il fait son quatrième voyage dans le passage du Nord Ouest, remontant le courant de glace qui vient du Pacifique pour alimenter l'Atlantique Nord. Il témoigne de la fonte des glaces qui s’accélère de manière ahurissante, laissant de l'eau libre jusqu'au voisinage du pôle, réduisant le territoire des espèces polaires et laissant la place à des espèces "invasives" qui semblent considérer ce nouveau territoire comme une nouvelle mer tempérée.. Il décrit le fameux "passage du Nord-Ouest" comparant ce quil a été depuis les premiers explorateurs polaires, par rapport à ce qu'il est devenu aujourd'hui...

Une lecture passionante par bien des aspects, rendue vivante et toujours amusante par le ton léger et spirituel d'un voyageur curieux à la plume vive et qui maitrise bien son sujet.

Saturday, December 10, 2011

Ship Breaker, de Paolo Bacigalupi


Ship Breaker, de Paolo Bacigalupi


Après "The Windup Girl" situé en Thaïlande dans un futur proche et  dystopique (une vision proche du rêve d'avenir de Monsanto, où la totalité du vivant est devenu l'objet de brevets et permet le contrôle de la population par son estomac), voici maintenant "Ship Breaker", par le même auteur.

Californie, futur proche: il n'y a plus de pétrole, la mondialisation est un souvenir et la Californie est un pays du tiers-monde. Les anciens pétroliers géants, super-porte-containers et autres monstres mangeurs de pétrole (et/ou transporteur de pétroles) sont des dinosaures éteints. Leurs carcasses jonchent les plages de Californie, l'état s'étant reconverti dans la récupération de matériaux précieux dans les épaves de ces géants désormais inutiles.

Les transports intercontinentaux sont désormais à la charge des clippers high-tech et à voile, qui sillonnent les océans (il y en a bien moins qu'à la génération d'avant), mais on ne les voit que de loin dans toute la première partie, car ils représentent une élite et une richesse inatteignable pour la plupart des personnages de ce roman.

L'histoire se passe dans les "light crew" de récupération de matériaux: des adolescents et pré-adolescents, petits et agiles, se faufilent dans tous les recoins pour récupérer le cuivre, l'aluminium, et le nickel. Ils travaillent dans le ventre de ces géants avec des moyens pitoyables. Les conditions de travail, la sécurité et la paie sont à la hauteur du tiers-monde. Mais les jeunes travaillent dur. L'alternative est de mendier sa nourriture dans les villes désormais pauvres et partiellement désertées de Californie. Ils travaillent en attendant de devenir trop grands pour ce boulot et de perdre leur emploi.

C'est un roman pour adolescent. Ça n'est pas complètement visible, si ce n'est par la structure plus simple du récit: un seul point de vue, avec deux héros, une seule trame narrative qui  déroule l'histoire d'un seul point de vue. Pour le reste, c'est le même monde que The Windup Girl, vu depuis la Californie tiers-mondisée plutôt que depuis la Thaïlande qui était une des rares nations à tenir encore le choc avec des structures sociales et des infrastructures nationales qui lui permettaient de résister un peu à l'omnipotence des grandes firmes agro-alimentaires.

Un bon roman de Bacigaupi, qui confirme sa voix, trouve son ton et continue à approfondir sa vision d'un futur dystopique et coloré.




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Sunday, January 02, 2011

The Windup Girl, de Paolo Bacigalupi

The Windup Girl, Paolo Bacigalupi

Le royaume de Thaïlande dans un futur dystopique, environ deux siècles dans le futur. Le royaume, quoique corrompu et véreux, est un des derniers ilôts de résistance après une catastrophe écologique globale, en grande partie fomentée par les grandes firmes agro-alimentaires (appelées "Calories Companies": AgriGen, PurCal and RedStar). La bio-diversité est un lointain souvenir, les cultures se meurent régulièrement affectées par des maladies qui mutent à toutes vitesse, les plantes sauvages existent de moins en moins. Les céréales transmettent des maladies mortelles à ceux qui les mangent, les fruits attrapent des maladies et meurent, la volaille est victime de pandémies majeures, et la nature semble devenue folle. À moins que les grandes firmes agro alimentaires n'aient volontairement créé une partie de ces calamités pour vendre leurs semences résistantes (et stériles) qui leur assure une richesse indécente et un pouvoir sans borne tandis que le monde entier s'enfonce dans la famine.

En tous cas, sur ce monde dépeuplé et largement miné par la famine, et les campagnes largement désertifiées par mort de beaucoup de végétaux naturels, ce sont actuellement les grands groupes agro-alimentaires qui dominent le monde, et la vraie richesse est génétique: ceux qui ont gardé des graines non contaminées des plantes de l'ancien monde détiennent le vrai pouvoir. La force de travail est redevenue essentiellement animale, comme ces "Megadonts", sortes de gros éléphants manipulés génétiquement jusqu'à être de parfaites bêtes de somme à la force supérieure.

L'histoire suit plusieurs personnages dont les histoires se croisent et s'influencent: un espion/tueur à gage travaillant secrètement pour une firme agro alimentaire désireux de percer le secret de la banque de gènes Thaïlandaise pour s'en emparer ou la détruire, forçant le royaume à céder et à laisser sa compagnie prendre le contrôle. Une "Windup Girl" fille artificielle avec l'obéissance du chien et l'entraînement d'une concubine, d'origine Japonaise, comme toutes les créatures de son genre, que son maître, un riche homme d'affaire a laissé derrière lui en partant, l'abandonnant à un bordel de Bangkok (le billet de ballon dirigeable coûte une somme exorbitante, comme tout ce qui consomme de l'énergie et la ramener était donc trop cher). Un réfugié chinois, ancien homme d'affaire en Indonésie mais actuellement contraint à une existence précaire en Thaïlande, où un policier zélé pourrait décider de l'arrêter et de le déporter (voire de le tuer) à n'importe quel moment. Un officier du ministère de l'Environnement (puis sa successeuse) qui est au prise avec la corruption les manoeuvres politiques et les calamités qui s'attaquent aux rares sources de nourriture qui assurent la subsistance de la population maintenant bien réduite du royaume...

C'est un roman prenant. Tout les éléments de son univers ne sont complètement crédible (traduire: pas complètement hard-science), mais l'histoire est bien, les personnages sont bien vus. Un livre de science fiction qui se lit rapidement et qui est bien intéressant.






Sunday, May 20, 2007

The Speed of Dark, by Elizabeth Moon

Un roman qui a pour héros un autiste de haut niveau. Il travaille pour une multinationale au sein d'une équipe d'autres autistes matheux dans la conception de nouveaux algorithmes et la recherche de 'patterns' dans des données expérimentales médicales et pharmaceutiques. Ce département tente de développer de nouveaux algorithmes sous une nouvelle approche, du fait de la structure neurologique particulière des autistes-matheux, de leurs aptitudes et de leurs handicaps propres.

Ce roman donne une vision décapante du monde de l'entreprise vue par les yeux d'un autiste, qui donc, a tendance à dépasser les faux-semblants, et à échapper au folklore de l'entreprise et à tout le cinéma qu'on fait autour, (ainsi qu'à la plus grande partie du contexte social là ou ailleurs) pour voir les faits de la manière la plus factuelle qui soit, c'est à dire entre autres choses l'affligeante réalité de l'entreprise telle qu'elle est, et qui voit bien les "leaders naturels" autoproclamés de l'entreprise pour les trous-du-cul qu'ils sont.

Le pitch du roman, est le suivant: il arrive un traitement (nanotech / rétrovirus + traitements médicamenteux) qui pourrait transformer des autistes adultes en "normaux", et l'entreprise exerce de fortes pressions pour qu'ils suivent ce traitement, pour des raisons visiblement pas très claires (raisons d'images ? mise au point de leur traitement expérimental ? En tous cas ça n'est pas très clair... Et la suite de l'intrigue montrera que la motivation est peut être même encore plus trouble qu'elle n'en a l'air).

Le problème, du point du vue du héros, c'est qu'être autiste ça n'est pas seulement un handicap, c'est sa personnalité, c'est (entre autres) sa structure neurologique particulière qui fait qu'il aime ce qu'il aime et qu'il pense ce qu'il pense, et c'est même à cause de (ou grâce à) son syndrôme qu'il est très performant dans le travail qui est le sien et qu'il aime faire. Alors, doit-il s'intégrer à tout prix dans une société "normale" en tant que sujet "normal" ? Faut il sortir de sa place à part pour être accepté comme pair par des gens et accomplir les mêmes gestes apparemment absurdes et autres rituels inutiles que ses amis normaux? Le prix pourrait en être sa personnalité, son amour pour la musique de Bach et de Schubert (ou en tous cas une transformation de la perception de la musique qu'il aime tant), et plus généralement un changement de perception de toutes les choses qu'il aime faire et des raisons pour lesquelles il aime les faire...

L'écriture d'Elizabeth Moon est agréable et facile à lire, le héros est méthodique, lent, logique, un peu obsessionnel, il avance doucement mais constamment. Les persos centraux sont très bien vu. L'auteuse est très bien renseignée sur les "high functionning autistic disorders" et les "autistes de haut niveau" (i.e. avec le langage), elle décrit très bien les difficultés sur certaines choses de la vie quotidienne, les choses qu'il déteste et pourquoi, ou ce qui l'ennerve et pourquoi, les routines et rituels qu'il entreprend et quel est leur rôle, ou ce qu'il remarque en priorité et qui le fascine et comment et pourquoi il peut s'y absorber pendant des heures. Bref, l'auteuse est très bien renseignée, (malgré une paire de "glitches" où elle ne repecte pas les règles de ce qu'elle a elle même décrit par ailleurs, ce qui a du échapper aux relecteurs probablement pas assez focalisé sur l'autisme, et qui me font penser que l'auteuse ne doit pas être elle même autiste).

L'histoire est très bien vue et très agréablement écrite, présentée sous un point de vue original. Elle fait bien sentir le filtre de perception différent qui s'intercale entre la réalité et le héros: là où notre attention serait attirée en priorité sur des visages humains ou des voix humaines ; le filtre de perception du héros traitera en priorité les couleurs, les nombres, les répétitions, les motifs, et les détails. L'attention du personnage principal et ses intérêts sont atypique. C'est souvent un motif de la moquette ou un alignement formé par tels ou tels objets qui sera remarqués en premier par les persos principaux alors que la voix humaine est percue comme un simple bruit parmi d'autre sauf si il se concentrent dessus et essaient de décoder les mots, et les visages humains ne sont que des formes parmi d'autres pas très faciles à reconnaitre, et surtout pas de loin... Elizabeth Moon reproduit presque la réussite de Mark Haddon dans "the curious incident of the dog in the night time" en faisant d'un personnage central autiste une personne crédible et étoffée. (Le roman de Mark Haddon n'est pas de la SF, c'est juste un adolescent Asperger qui découvre des secrets familiaux). Son monde est un futur proche pas très différent du notre mais avec des idées assez bien vues sur le futur de la médecine, de la justice, de la nanotech et de pas mal d'autres sujets perçus à travers la vie quotidienne.

C'est un roman sympathique et bien monté, pas mal centré sur l'autisme, mais que je conseille à tous les amateurs de SF, sur la problématique de que c'est que d'être soi même. Est-ce que la technologie qui permettrait de pallier à ses problèmes et de compenser ses faiblesses ne ferait pas de nous quelqu'un d'autre ? et autres questions du même ordre (ça me rappelle par certains côtés des romans de Greg Egan comme Diaspora ou Permutation City, dans lesquels les persos peuvent reprogrammer leur propre esprit puisqu'ils sont de simples modèles neuronaux (+modèles corporels) "uploadés" dans du hardware, et qu'ils vivent dans un monde virtuel, et où les questions d'indentité, de volonté, d'ego et de changement prennent de nouvelles dimension).

La fin du roman n'est pas aussi intense que ce que je l'avais espéré: un retournement peu attendu et peu expliqué (voire peu crédible) suivi d'une fin ... un peu courte. Mais bon, je suppose qu'elle avait déjà dit tout ce qu'elle avait à dire. Et j'ai passé un bon moment avant cette fin...

Saturday, August 26, 2006

AFRIQUE, QUEL EST TON SECRET ? Par Claudine AMBADIANG

Afrique, quel est ton secret ? par Claudine AMBADIANG

Oh! Africa,

Oh! Africa,

Quel est ton secret?


Du haut des collines, je te pose la question.

L’Afrique des noirs, l’Afrique des débaptisés,

De quelle femme es tu née?

De quelle couleur était ton père?

De quelle couleur était ta mère?

Comment se fait-il qu’au Maghreb tes enfants soient pâles?

Comment se fait-il qu’en Égypte tes enfants soient aussi pâles?

Pourquoi ceux d’Afrique du sud sont blancs noirs et ceux du Zimbabwe noirs?

Oh Africa, dis-moi ton secret.


Ton père était-il un ancêtre de la guerre?

Ta mère était-elle un ancêtre de la faim?

Pourquoi en temps réel tout ce qui est lugubre est de toi?

Oh! Afrique dis-moi ton secret.


Quand on parle de famine, on se réfère à toi,

Quand on parle de Sida, on se réfère à toi,

Quand on parle de guerre, on se réfère à toi,

Quand on parle de mauvaise science, on se réfère à toi,

Qu’as-tu Afrique de si mystérieux pour générer tant de légèreté?

Tant de mépris? Si peu de considération?

Oh, Afrique dis-moi ton secret.


Et pourtant de toi l’Europe s’est construite,

De toi l’Amérique s’est bâtie

Oh!Afrique, continent de ma mère et de mon père, donne-moi ton secret.


Tes fils sont énigmes, toi sous-développée,

Comment puis-je le comprendre?

Oh! Afrique, belle Afrique, dis-moi ton secret.


Tu as enfanté Senghor, poète et père de la négritude,

Tu as enfanté Anan, patron des Nations unies,

Tu as enfanté Mandela, Leader de l’admiration du siècle,

Tu as enfanté Roger Milla, la fierté africaine,

Tu as donné vie à l’ancêtre de Michael, le fils de Jackson, célèbre Musicien du monde,

Tu as enfanté Zidane, le mérite de la France,

Malgré tout tu restes toujours sous-développée,

Oh, Afrique, mon Afrique, quel est ton secret?


On te donne toujours la place en dernier,

On t’écoute très peu dans les débats entre continents,

On se méfie de toi dans les ambassades,

On te disqualifie avec hargne des compétitions internationales

Oh, Afrique, quelle Afrique, quel contraste, dis-moi ton secret.


Tu m’as donné la vie,

De moi tu devrais être très honorée,

Malheureusement tu ne l’es pas.

Chaque jour, tes enfants te désavouent pour aller chercher asile dans les continents que tu as si bien contribués à bâtir,

Pourquoi te fuient-ils, toi mère de mon ancêtre Thomas le député?


Avec quelle eau dois-je te laver?

Du Congo Brazzaville à celui de Kabila Père en passant par Lomé, tu es la même. C’est dire à sous-développée.

Comment faire pour te développer, toi mon Afrique que j’aime?


Dans quelle université doit-on te former?

Dans quelle école doit-on envoyer tes petits fils?

Ô! Afrique, parle-moi de ton secret.


C’est chez toi qu’on définit la corruption,

C’est chez toi qu’on parle de Népotisme,

C’est chez toi qu’on note l’absence de démocratie,

C’est chez toi qu’on trouve les chefs d’État qui font plus de trente ans au pouvoir,

Oh! Afrique, quelle Afrique, dis-moi ton secret.

N’as-tu pas de ressources naturelles pour nourrir tes enfants?

N’as-tu pas assez d’hommes pour te développer?

Es tu devenu Israël, le pays du fils de Dieu désavoué et condamné à la guerre des cent ans?

Qu’as-tu fait au bon Dieu pour être dernier dans tous les combats?

Et pourtant tu fais bien la musique pour être intéressante,

Caïn, frère d’Abel s’est il réfugié chez toi après avoir tué son frère?

Oh! Afrique, jeune Afrique livre-moi ton secret.


Les blessures que tu as sur le visage, quel est médecin doit les panser?

Les bailleurs de fonds en échange de tes richesses mettent à ta disposition des millions pour t’aider à réduire ta pauvreté, où mets tu cet argent?

Les routes, tu n’en as pas.

Les hôpitaux, tu n’en as pas.

Qu’as-tu fait pour mériter un tel sort?

Oh! mon Afrique, qu’as-tu fait à Dieu?

La malédiction d’Adam n’a-t-elle agi que sur toi?

Oh!Afrique, quel est ton secret?


Oh!Afrique, continent oléagineux,

Continent d’Arabes,

Continent de pieds noirs,

Continent des noirs,

Dis-moi tout.


Oh! Mon Afrique,

Dis-moi ton secret et je me tairai,

Dis-moi ton secret et je comprendrai,

Dis-moi pourquoi tu es pauvre quand les autres sont riches,

Dis-moi pourquoi tu dors quand les autres sont éveillés.


Oh!Afrique,

L’Afrique des destinées troublantes,

L’Afrique de Myriam Makéba,

L’Afrique des os perdus et des guerres intarissables,

L’Afrique d’Ezaboto et de Sembene Ousmane,

Si nos ancêtres revenaient, que diraient-ils de toi?

Si Dieu recréait les continents te recréerait-il encore?

Et pourtant tu m’as enfantée et si bien façonnée,

Et pourtant je tiens de toi ce nom qui me rend célèbre.


Oh! Afrique, la sœur de l’Amérique, le contraire de l’Europe,

Pourquoi ta technologie n’est –elle pas avancée?

Pourquoi tes magiciens sont ils des charlatans?

Oh! Afrique, mon Afrique,

Ton or et ton pétrole ne suffisent ils pas pour te rendre riche?

Ton diamant, n’est il pas exploitable?

Oh, Afrique, encore une fois, dis-moi ton secret.


Dis-moi également qui t’a créée,

Est-ce le Dieu d’Amérique?

Est-ce le Dieu d’Asie?

Est-ce le Dieu d’Europe?


Ah! mon Afrique,

La belle Afrique au climat touristique,

L’Afrique aux richesses variées,

L’Afrique des contrastes et des milles détours,

Peux tu répondre à mes questions?

Combien de temps te faut-il pour te développer?

Attends-tu que je meure avant de le faire?

Attends-tu que je meure avant de le faire?

Attends-tu mon premier enfant ou ma première fille?

Oh! mon Afrique,

Las, dis-moi ton secret.

Claudine AMBADIANG

Friday, July 22, 2005

Le bizarre incident du chien pendant la nuit

Je viens de lire un très intéressant livre : "the curious case of the dog in the night time" de Mark Haddon, et c'est à la fois très passionant et d'une grande lisibilité (même en anglais).

Le héros du roman est un jeune homme de 15 ans, atteint d'une forme d'autisme de haut niveau, qui s'aventure rarement au delà du bout de sa rue, et qui, un soir, trouve le chien de sa voisine mort dans le jardin de sa voisine et décide d'enquêter pour savoir qui l'a tué.

Pour préciser le terme "autiste" que j'ai employé ci-dessus, le héros est atteint du syndrome d'Asperger, dans lequel le sujet est incapable de déceler les expressions faciales ni les signes d'émotion chez les autres, il n'a aucun moyen de détecter l'état d'esprit de ses semblables, et n'a qu'une très vague modélisation de l'humeur des gens qui l'entourent. Il ne comprend pas le second degré, ni la métaphore, ni la plaisanterie. Il a par contre de grandes aptitudes au raisonnement déductif et de grandes prédispositions aux mathématiques. Il aime que tout soit bien rangé : soit il y a une solution logique et univoque et il fait tout pour la comprendre, soit il crée des règles arbitraires et bien fixées qu'il applique ensuite à la lettre pour éviter de laisser une quelconque place à l'incertitude (exemple: il a décidé un beau jour que 3 voitures rouges d'affilée voulaient dire que c'est un grand jour, et dans un "grand jour" il se comporte d'une certaine manière ; par contre, deux voitures jaunes qui se suivent, et c'est un mauvais jour, où il applique d'autres règles).

C'est un livre à la fois drôle et triste, vu intégralement du point de vue du jeune autiste, qui est loin d'être bête et qui a une vision originale sur ses semblables et sur les us et coûtumes de notre société. Son point de vue "extérieur et objectif" sur nos comportements quotidiens et nos conventions non-exprimées est extrêmement intérressant.

Dans ce livre, le héros ne fait pas grand chose d'autre que d'interroger quelques voisins, de faire un travail de détective minutieux qui lui ramène quelques vérités cachées sur sa propre famille et sur des choses qui se sont passées dans son quartier, et finalement, de faire tout seul un voyage de quelques centaines de kilomètres, mais je peux vous assurer que c'est une grande aventure, dans son cas. Tout, ici, est une question de point de vue...

On pourrait presque faire un parallèle avec, par exemple, "en terre étrangère" de Heinlein (en plus limpide et construit au niveau de la mentalité de "l'étranger" qui nous regarde, et sans le mic-mac religieux de la fin du roman de Heinlein).

Ca m'a donné envie d'en savoir plus. Du coup, j'ai trouvé sur le Net un livre écrit par un Asperger à l'usage des autres Asperger (http://www.asperger-marriage.info/survguide/introduction.html), qui explique sous forme de règles clairement énoncées les fameuses règles sociales que tout le monde connait et applique d'instinct sauf bien sur les Asperger. Ces derniers sont souvent capables d'appliquer des règles formelles aussi complexes et arbitraires qu'ils le veulent, mais ils ne connaissent pas les règles sociales de base qui paraissent si évidentes à tous les autres, et ils n'ont aucune idée de savoir si vous leur faites un grand sourire amical, ou si vous êtes en colère après eux, sauf par un effort conscient d'analyse du visage et de l'attitude de leur intelocuteur en référence à des règles volontairement apprises.

Bref, le miroir qu'ils tendent à notre société, et aux groupes d'êtres humains me semble extrêmement intérressant. Et la compilation des règles sociales en question me parait avoir un intérêt qui va bien au delà du lectorat visé...

Zénon

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Le bizarre incident du chien pendant la nuit







The Curious Incident of the Dog in the Night-Time




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