Le Blog de Zénon

Wednesday, April 27, 2005

La Pierre et le Sabre, et La Parfaite Lumière, de Eiji Yoshikawa

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La Pierre et le Sabre, de Eiji Yoshikawa





La Pierre et le Sabre (sur Amazon.fr)



C'est la vie romancée de Myamoto Musashi, le plus célèbre ronin de l'histoire Japonaise, duelliste et étudiant de la Voie du Sabre des débuts de l'ère Tokugawa. C'est lui qui a écrit le célèbre Traîté des 5 roues (ou traîté des 5 anneaux).

Mais revenons plutôt à La Pierre et le Sabre: C'est un livre très facile et très agréable à lire. Et en plus, c'est un livre très enrichissant pour tous ceux que le Japon interresse : ça fourmille de détails historiques et de vie courante sur le Japon de cette période. Les personnages sont très bien caractérisés, il y a par exemple un portrait de vieux moine et pas mal de portraits de ronins qui sont excellents. L'intrigue est parfois un peu convenue : les conflits sont annoncés longtemps avant, et résolus épisode par épisode d'une manière qui manque parfois un peu de surprise.

Cependant, la fluidité de l'écriture, le dépaysement qui nous plonge sans difficulté aucune dans le Japon du 17ème siècle, ainsi que la beauté de l'histoire dans son ensemble en font une lecture indispensable pour tout amateur du Japon ou même pour tout curieux. Bref, je me suis retrouvé à la fin en regrettant que ce soit déja fini. Heureusement pour nous, la suite existe : La Parfaite Lumière, dont je vous parlerai sans doute bientot...

La traduction française, La Pierre et le Sabre se garde bien de mentionner explicitement de quelle langue elle est traduite sur la page de garde. C'est à mon avis une tradution de la version anglaise plutot que de la version originale Japonaise (plusieurs traductions littérales d'expressions anglophones m'ont mis la puce à l'oreille). Quand je relirai ce livre, ce sera donc en anglais, parce que je préfère lire une traduction directe du Japonais...

Sinon, j'ai été un peu surpris par le fait que ça brise un peu l'imagerie traditionnelle du Samourai, qui serait toujours droit, et qui préfèrait être vaincu que de faire un coup bas. Là, les disciples se regroupent facilement autour du duel de leur maitre et interfèreraient volontiers dans le duel pour assurer la victoire de leur maitre si ça leur paraissait nécessaire. Les ronins sales et mal rasés, en mal de bataille, errent dans les campagnes en pillant et en violant gaiement, ou en volant leur nourriture.

Musashi lui-même est plus une brute épaisse très douée pour tuer qui va progressivement apprendre la finesse qu'un étudiant acharné qui va finir par devenir bon par l'étude appliquée des arts martiaux... Le développement du personnage et son changement au fur et à mesure de son apprentissage est saisissant, et le chemin du jeune villageois un peu pataud jusqu'au Samourai accompli est long et se lit avec délice.

La Parfaite Lumière, d'Eiji Yoshikawa




La Parfaite Lumière (sur Amazon.fr)



C'est la suite de La Pierre et le Sabre, qui raconte la fin de la vie romancée de Myamoto Musashi, le célèbre ronin. L'histoire ne manque pas de souffle, puisque c'est un deuxième roman sur le sujet (un peu plus court que le premier) qui conclut sans faiblir avec l'histoire de Myamoto Musashi enfin devenu sage et mur (ce qui ne l'empêche pas de faire quelques coups d'éclat au passage). Le roman repose toujour un peu trop sur les coincidences et les quiproquos : Il y a toujours la même poignée de personnages principaux que dans le premier volume qui voyagent beaucoup et qui se retrouvent à deux ou en petits groupes au fil de leur voyage, ce qui donne lieu à diverses péripéties entre eux. Et il y a une myriade de personnages secondaires qui font pratiquement partie du décors et qu'on ne revoit généralement pas au delà du chapitre où ils apparaissent. En tous cas, c'est toujours aussi bien pour faire vivre et rendre palpable le Japon du début de l'ère Tokugawa, quand Ieyasu était en train de consolider son pouvoir de Shogun, et de construire l'ère de paix et de prospérité durable dont va bénéficier le Japon à partir de cette période. En bref, tous les jdr et beaucoup de romans et de films historiques Japonais font référence à cette période et ces romans de Yoshikawa sont un excellent moyen de devenir familier avec cette période fétiche, mythique (et mythifiée) de l'histoire des japonais.

Lecture hautement recommandée.

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Tuesday, April 26, 2005

Usagi Yojimbo, de Stan Sakai, Présentation de la série

Stan Sakai réussit une évocation du Japon ancien belle et limpide, avec des dessins très simples, des scènes immédiates, presque dépouillées accompagnées de dialogues courts et percutants. Il arrive à évoquer comme personne l'âme du Japon, la grandeur du Bushido, en toute fidélité aux films de Kurosawa et à la légende de Myamoto Musashi et des grands ronins célèbres du Japon médiéval de l'ère Tokugawa.

La lecture de Usagi Yojimbo est toujours un grand moment pour moi. En plus, on découvre petit à petit l'histoire globale, la trame de fond de la série, au fil des volumes. Les personnages récurrents, tous plus grands que nature, interagissent et pour tisser progressivement une vaste histoire globale, qu'on devine de plus en plus précisément, au-delà des petites histoires de chaque chapitre.

La trame globale est l'histoire de Myamoto Usagi [inspirée du célèbre duelliste Myamoto Musashi], et c'est toute sa vie qui est retracée sur l'ensemble des volumes, faisant une grande fresque épique, depuis ses débuts d'étudiant, sa vie de Samurai, son passage à l'état de Ronin, et sa tentation de prendre une impossible retraite. Chaque histoire remet une pièce du puzzle en place avec des flashbacks et des aller et retour dans la vie de notre héros... Et c'est chaque fois excellent.

Pour son auteur, Usagi Yojimbo était destiné à transmettre la culture Japonaise aux jeunes lecteurs américains. Stan Sakai vivant aux Etats-Unis, voulait transmettre ses racines et ses valeurs aux jeunes gens. Sa réussite est celle d'un bon artisan Japonais, elle est parfaite dans sa simplicité et dépasse de très loin le but qu'il s'était fixé. Quand je le lis, je sens que je comprends le Japon de la période de la Guerre Civile et le coeur du Bushido.

Bref, tous les amoureux du Japon devraient lire ces tomes, quel que soit leur âge, et même si le dessin leur semble trop simple et trop jeune... Entrez y, vous ne le regretterez pas...

Les qualités que j'apprécie le plus sont le bon développement des personnages, finement réalisé, les passages épique, l'humour, les histoires fantastiques qui saupoudrent l'histoire principale de quelques fantômes et démons extrêmes-orientaux, et toutes les composantes parfaitement maitrisées d'une histoire faite pour passionner les rolistes et les amateurs de civilisation Japonaise...

Les 4 premiers tomes existent à présent en Français. Les autres sont seulement accessibles en anglais. Trouvez les sur Amazon :


Tome 1



Tome 2



Tome 3



Tome 4



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Usagi Yojimbo tome 4 : La conspiration du Dragon Rugissant

(Usagi Yojimbo, tome 4: Conspiracy of the Dragon Bellow)


Une grande et belle histoire épique, un des scénarios les plus structurés de toutes les histoires de Usagi Yojimbo. Il s'agit d'une histoire unique racontée de plusieurs points de vue, avec des groupes d'intervenants différents (voire opposés) qui se succèdent d'un chapitre à l'autre. Le résultat fonctionne parfaitement.


D'habitude, les chapitres de Usagi Yojimbo sont plutôt constitués de courtes et passionnantes aventures relatant des évènements de voyage dans la vie de notre ronin favori et qui font évoluer petit à petit la trame générale de la grande histoire et les destins individuels de quelques samouraïs d'exception qui sont les personnages centraux et récurrents.


Ici, comme son titre l'indique, il s'agit d'une grosse conspiration d'un clan contre quelques autres, qui est déjouée de justesse avec l'implication de plusieurs groupes (clans, et village ninja) dans une grande fresque qui donne lieu à des séquences d'espionnage et des batailles tout à fait épiques...


Présentation de la série Usagi Yojimbo (4 tomes en français, le reste en anglais)

Trouvez ce livre sur Amazon:

Tome 4



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Monday, April 25, 2005

Le fabuleux Maurice et ses rongeurs savants, de Terry Prattchett

(The Amazing Maurice and his educated rodents, de Terry Prattchett)

Il s'agit d'un roman de Terry Prattchett destiné à un jeune public, mais dont l'intérêt va largement au delà de la tranche d'âge visée. Il se situe dans le disque-monde, mais sans aucun des personnages connus de cet univers, c'est donc un roman qui se lit parfaitement tout seul et pour lui même.

C'est extrêmement lisible (j'ai lu ces 317 pages en anglais en un jour et demi), c'est bourré d'humour, et c'est une histoire bien sympathique, pleine de personnages bien vus et de situations amusantes.

Voici les prémisses de l'histoire : des rats sont devenus intelligents car ils vivaient et mangeaient sur la décharge d'une école de magie, et un chat est devenu intelligent en mangeant ces rats.

Les rats et le chat se sont associés, et ils ont monté une escroquerie avec l'aide d'un jeune flûtiste. C'est le chat qui est le cerveau de l'affaire. Tout ce petit monde travaille en équipe pour refaire le coup du joueur de flûte de Hamelin : les rats envahissent la ville et deviennent une nuisance généralisée. Le chat coordonne tout le monde, le garçon arrive et propose d'aller noyer tous les rats dans la rivière. Il se fait payer, il joue de la flûte, les rats le suivent jusque dans la rivière (ce qui les gène peu puisque les rats sont d'excellents nageurs), et tout ce petit monde n'a plus qu'à se partager les bénéfices, puis à déménager pour aller escroquer la ville suivante.

Le roman commence quand ils arrivent dans une ville très particulière, dans laquelle la Guilde des Dératiseurs a monté une arnaque mafieuse, et où le chat Maurice, ses rats savants et son flûtiste attitré ont intérêt à faire très attention à l'endroit où ils mettent les pieds... Tout est piégé contre les rats dans cette ville, il y a des spécimens locaux particulièrement gros et bagarreurs, sans parler de dératiseurs particulièrement mal intentionnés... Bref, ça ne va pas être du gâteau pour Maurice, mais il ne faut pas le sous-estimer, c'est un escroc très professionnel...

Ca c'est le début de l'histoire, la suite est un récit plein de rebondissements, menés tambour battant, c'est plein d'humour, c'est brillant et bien maîtrisé. Bref, c'est excellent. J'ai pris un livre qui semblait gros et très peu de temps après, je regrettais déjà qu'il reste si peu de pages à lire avant la fin... Je le recommande à tous et sans réserve.

Zénon

P.S.: Par le plus grand des hasards, c'est le deuxième roman d'affilée que je lis basé sur le conte du joueur de flûte de Hamelin, après King Rat, de China Miéville, mais l'ambiance est totalement différente. En effet, King Rat est sombre, hyper-réaliste, avec des passages qui font penser à un roman d'horreur, alors que Maurice est léger, emporté, brillant, et ne se prend jamais au sérieux.

Trouvez sur Amazon : "Le fabuleux Maurice et ses rongeurs savants", de Terry Prattchett (en Français)



Trouvez sur Amazon :

"The Amazing Maurice and his educated rodents", de Terry Prattchett (en anglais)


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Tuesday, April 19, 2005

King rat, de China Miéville

Parmi les jeunes auteurs, il y en a un qu'il ne faut surtout pas manquer, à mon avis, et c'est China Miéville. J'ai déjà fait une critique de Perdido Street Station et de sa suite The Scar, et j'ai déjà dit tout le bien que j'en pense… À mon humble avis, ce sont deux monuments de la fantasy, qui sont d'ores et déjà des classiques, au moment même de leur sortie.

Ensuite, je me suis donc logiquement tourné vers son premier roman: King Rat.

Il s'agit d'une histoire fantastique située dans le Londres contemporain, ou plutôt dans les à-côtés, les sous-sols et les interstices du Londres moderne. Ces endroits où aucun humain ne regarde jamais recèlent un monde alternatif, magique et inattendu…

Par son ambiance et son thème, ce roman rappelle Neverwhere de Neil Gaiman (un autre de mes auteurs fétiches). L'histoire est ici moins complexe que dans Perdido Street Station/The Scar, elle se déroule sur une période de temps plus courte et avec moins de personnages.

C'est vraiment un roman sympathique et c'est très prometteur pour un premier roman (ce qui est d'autant plus facile à dire pour moi que ces promesses ont déjà été tenues dans ses deux romans suivants). Au fur et à mesure des pages, on sent que l'auteur prend de l'assurance et maîtrise de mieux en mieux son histoire, qu'il ose de plus en plus de choses jusqu'au " big bang " final.

Au début du roman, Saul, le héros de l'histoire se trouve dans une situation apparemment désespérée, lorsqu'il est tiré d'affaire par un personnage étrange, un vagabond doté de pouvoirs surnaturels qui l'arrache du monde des hommes pour le faire pénétrer dans cette ville alternative et magique, en marge de notre ville profane. Apparemment, cet être étrange est l'esprit tutélaire des rats de la ville, le maître des sous-terrains et des bas-fonds d'un Londres magique… Ici, la magie réside dans les marges, sur les toits, dans les allées sombres, dans tous les endroits où personne ne va jamais, les " interstices " de la ville profane, elle côtoie notre monde de tous les jours, elle existe juste à côté de nous sans que personne ne la regarde jamais…

Il y a une étrange ambiance de shamanisme urbain : les protagonistes principaux sont l'esprit tutélaire des rats, l'esprit des araignées, et l'esprit des oiseaux qui sont opposés à un méchant plutôt inattendu. Le fond de l'histoire est une version un peu trash et très inattendue du joueur de flûte de Hamelin, oscillant entre un fantastique réaliste et des passages d'horreur, qui surprennent dans cet étrange vengeance des rats contre le joueur de flûte de Hamelin (pour résumer et simplifier largement le propos).

La fin du roman n'est pas aussi imprévisible qu'on aurait pu le souhaiter, et elle a un côté un peu trop " super-héros " à mon goût. Malgré tout, l'histoire est bien maîtrisée et se conclue de manière mouvementée et satisfaisante…

Tout le roman se passe dans le milieu musical branché (Jungle, drums & bass) d'un Londres de jeune fêtards branchés, et il a presque un côté ethnologique de ce milieu là… ;-)

J'ai toujours aimé les bons textes de fantasy urbaine, ceux qui ramènent la magie et le merveilleux au cœur de nos mégapoles, qui ramènent le non-humain et le non-rationnel juste à côté de chez nous, dans les endroits les plus banals et familiers. Et là, je trouve que c'est pas mal réussi...

Trouver King Rat sur Amazon :




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Monday, April 11, 2005

L'Autre Ile du Docteur Moreau, de Brian W Aldiss

Ce court roman (217 pages) est une redite moderne de l'histoire de H.G. Wells, dont le thème se prêtait bien à une telle réactualisation. Le récit est bien écrit, bien rythmé et marche bien.

Le roman se situe au début d'une troisième guerre mondiale, dans une année 1996 alternative, pendant une transition vers un 21ème siècle plein de bruit et de fureur. Nous sommes dans une base militaire secrète située sur un atoll du pacifique qui se livre à d'inquiétantes expériences biologiques, sous la direction d'un professeur victime de malformations congénitales graves, plein de haine et de fureur, qui en veut au monde entier. Notre héros est un naufragé qui, suite à un sabotage de navette, se retrouve à la dérive en plein pacifique. Il aborde cette île où il va être le grain de sable déclencheur d'une succession d'évènements conduisant à la catastrophe par une généralisation de la violence sur cette île-prison.

Le roman fonctionne bien, quoique je regrette la référence explicite à l'île du Dr Moreau comme une expérience ayant réellement existé au 19ème siècle. L'histoire aurait été plus convaincante si on avait laissé le Dr Moreau là où il était, c'est à dire comme une référence littéraire connue de tous (et ça aurait suffi à justifier le nom de cette nouvelle île). En effet, autant je peux croire à une expérience génétique telle que la décrit Aldiss, autant l'argument de la chirurgie du 19ème siècle pour l'hybridation des espèces animales parait extrêmement peu crédible. Quoiqu'il en soit, Aldiss, une fois de plus, n'est pas très scientifique, et ne se place pas du tout dans un contexte "hard science", notamment quand il parle de produits mutagènes. Mais comme ce roman reste plutôt vague sur les manipulations du laboratoire, le résultat des expériences reste crédible par rapport à l'ingéniérie génétique mise en oeuvre.

Les trois quarts de ce roman sont donc une sorte de redite du roman de Wells en le remettant dans les termes de notre époque pour ce qui concerne le contexte scientifique, technique et social (la génétique au lieu de la chirurgie, une expérience militaire secrète plutôt qu'un savant fou, etc...). Mais le dernier quart réserve une surprise scénaristique, le récit prend un tour imprévu et se termine dans un "grand boum" assez satisfaisant.

Au total, c'est un roman plutôt agréable à lire...

Zénon

Trouver ce roman sur Amazon : L'autre île du Docteur Moreau

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